jeudi 29 mars 2007

Originaux et détraqués (1)




Tu sais, les buveurs développent des habitudes… pour ne pas perdre pied!

Je l’avoue, j’en ai profité… Je les savais fragiles parce que je l’étais…

Je me pointais, le plus souvent, au moment où leur jour bascule entre ce qu’ils sont et détestent, et cet espoir diffus d’un lendemain où ils ont autant d’avenir que leurs rêves le leur permettent…

Je débarquais donc au bar un peu après minuit… avec le regard de ceux qui sont là, tout en étant ailleurs! De ceux qui affichent un état second, sans qu’on puisse toutefois deviner s’il est éthylique ou mystique...

Néanmoins, aussitôt que nos yeux se croisaient, j’y plongeais sans pudeur de façon à leur faire sentir que je pouvais en toute impunité arpenter tous ces chemins de traverse qu’ils cherchaient pourtant plus ou moins à me dissimuler… On préfère tellement emprunter ces autoroutes qui nous permettent de filer à toute vitesse dans des paysages convenus!


Cela dit, à toi de juger, mais je prétends encore que je les aimais sans doute beaucoup plus qu’ils ne s’aimaient… Sinon, pourquoi aurais-je fréquenté si longtemps ce bar impersonnel en forme de fer à cheval… où plusieurs buvaient leur chance jusqu’à s’y noyer?

Peut-être aussi était-ce parce que j’étais alors sans le sou. Et comme, allez savoir pourquoi, j’y bénéficiais d’une certaine aura… j'y ai vu une opportunité! Ainsi, semaine après semaine, pour peu qu’ils me paient un verre, je leur lisais l’avenir dans leur collet de bière ou, rappelle-toi, dans les bulles de leur rhum & coke… Des avenirs souvent si prévisibles que plusieurs d’entre eux ont cru, avec le temps, que j’avais un don… Ce qui, avec le recul, n’était pas entièrement faux… J’avais celui de regarder dans les replis de leurs vies, ce qu’ils se refusaient de faire, ou pire, d’accréditer ces mensonges qu'ils se racontaient et ne demandaient qu'à croire…

Depuis que je suis sorti de désintox et de cellule, je ne suis jamais retourné au bar à cheval… Pas sûr que je pourrais désormais affronter leurs regards avec autant d’aplomb… De peur de m’y égarer à nouveau… Et, merde, je préfère croire, même si j’en doute, que ce que j’anticipais de leur avenir ne se soit pas avéré!

Non, STP, tu m’as promis… TA GUEULE!

(témoignage récent recueilli aupès d'un ex-pillier de bar)


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