mercredi 23 février 2011

Glissement de mémoire


Il arrive, alors que vous êtes occupé à tout autre chose, qu'un vide immense s'ouvre sous votre âme et provoque instantanément une forte sensation de vertige. Vous vous ressaisissez, le cœur encore emballé, le souffle rare et vous découvrez au fond de ce trou sans fin les traits familiers de quelqu'un que vous aviez presque oublié sous les couches de souvenirs accumulées. C'est ainsi que mon grand-père maternel a ouvert, hier, une crevasse entre deux phrases d'un texte que je rédigeais sur une quelconque machine-outil!

J'ai peu connu «Jos» Mercier qui a laissé ses poumons dans une fonderie, ou plutôt devrais-je dire qui ramenait chaque jour un peu plus de cette fonderie dans ses poumons à la maison! C'était à une époque où plutôt que de soigner leurs ouvriers, on avait davantage tendance à les accuser de voler l'entreprise… Je l'ai peu connu donc parce qu'il passait beaucoup de temps en sanatorium, pestiféré au point où l'on empêchait les enfants de les voir autrement qu'à travers la fenêtre de leur chambre du quatrième étage! Pourtant, je lui dois, en plus d'avoir engendré avec sa «Merry», ma mère, une affection particulière pour le baseball et un amour indélébile pour la nature.

J'aimais bien m'asseoir avec lui, devant la télé en noir et blanc et souvent enneigée, pour regarder un match de baseball dont il m'expliquait patiemment tous les secrets même s'il m'arrivait d'être turbulent! Il m'amenait aussi parfois au vieux stade voir les Pirates de Thetford-Mines, un club école de l'équipe de Pittsburgh, où, ensemble, nous mangions évidemment, tradition oblige, des «hot dog» et chantions, lors de la pause de la septième manche, le «Take me out to the ball game»…

Pour découvrir la nature, nous n'avions pas à aller très loin même si, pour l'enfant que j'étais, c'était chaque fois une épopée. Nous partions, à petits pas, «Jos» étant toujours essoufflé et moi court de pattes, jusqu'au coin de la rue Ste-Julie et Simoneau où, derrière l'imprimerie, l'on trouvait des animaux sauvages dont des cerfs de Virginie, dans un petit boisé entouré de hautes clôtures. J'y ai passé des heures avec lui, en silences complices, à m'émerveiller devant les beautés du monde, même s'il était, je le sais maintenant, microscopique!

Salut «Jos»! Tu reviens quand tu veux…

2 commentaires:

autrement moi a dit...

A te lire et à t'en entendre parler, j'aurai aimé le connaitre moi aussi.

Kat Imini a dit...

Luc, une belle histoire, pleine de sens, d'émotions, de beaux souvenirs, ils sont parfois comme une pelote de laine, un fil dépasse par hasard, nous le voyons et la vie passée refait surface comme si c'était hier. Je t'embrasse.